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vendredi 17 décembre 2010

THE LIST


- …et là, je me suis retrouvée dans ce bus, à 80 bornes de Lumbini ! 80 bornes, tu te rends compte, au Népal, ce que ça peut représenter ?! j’étais encore partie pour au moins 3 ou 4 heures de route. Ouais, largement 4 heures ouais… tiens, tu peux me repasser ton feu s’teuplait ? ..hmm Et là d’un coup, le conducteur fait demi tour, et on se retrouve 10 minutes plus tard sur un terrain vague à l’entrée d’un village de réfugiés tibétains ; je descends, évidemment je termine par commander mon troisième dal pat –tu saaais, le dal pat je t’en ai parlé tout à l’heure, le plat typique du Népal- de la journée, quand je me rends compte qu’un chien se prépare à attaquer une vieille fem..

-

- Ouais deuxième porte à gauche, juste à côté de la porte d’entrée en fait.. ok.. OUAIS ET DONC JE DISAIS QUE C’EST A CE MOMENT LA QUE JE SUIS TOMBEE SUR UN TOURISTE BELGE. TU TE RENDS COMPTE, UN TOURISTE BELGE ! UN MEC QUI S’APPELAIT OLIVIER ET QUI AVAIT DECIDE DE FAIRE LE TOUR DES…

-

- Oui, je disais, il avait décidé –le touriste belge, tu me suis ?- de faire le tour des reliefs asiatiques à pieds, et c’est là que..

- Dis moi, t’as une sacrée tchatche, toi

- Ah oui, mince, haha c’est vrai que parfois je m’emballe un peu, mais bon, hein, faut surtout pas hésiter à me couper la parole, hein, haha parce que sin..

- Heureusement que je connais un bon moyen pour te faire taire, héhé.

Pause.

Non.

Il n’a pas prononcé cette phrase. Il n’a PAS prononcé cette phrase. Cette phrase qui déclenche une série de réflexions affolées dans mon esprit plus très fonctionnel, je l’avoue, passé 3 bouteilles et 4 heures du matin :

Regarde les choses en face : il A prononcé cette phrase ; et vue l’éveil intellectuel dont il a fait preuve depuis 21 h, je doute qu’il fasse allusion à sa capacité à embrayer sur un autre sujet de conversation ;

Non, cette personne n’est pas l’homme de ta vie. Pourquoi ? Et bien parce qu’il est UN PEU LOURD ;

Naaaannn sérieusement, quoi, c’est pas possiiiible ; hahaha. Non. Arrête de sourire, ou tu vas perdre tout crédibilité pour l’étape suivante ;

OK, donc maintenant, l’étape suivante : le faire sortir de ton appartement de façon rapide et CREDIBLE. Et tu sais que ça ne va pas être simple. En effet, plusieurs semaines de subtiles manœuvres (aahahah..ah nan, merde il faut pas que je sourie, c’est vrai) ont finalement abouti à cette soirée pendant laquelle tu as balancé ta putain de robe noire, ta nouvelle frange, tu t’es mise sous le spot qui surplombe le comptoir du bar pour qu’il réalise que tes yeux sont en fait presque verts (mais oui, mais OUI qu’ils le sont), t’as même fini par dégainer le coup de l’alpiniste flamand rencontré dans un village népalais. Autant d’éléments qui montrent que ce soir, t’es dans la place. Je dirais même plus que ce soir, TU AS FAIM ;

En parlant de ça j’irais bien me faire un kebab en fait, je me demande si celui rue de la Roquette est bien ouv...

Arrête de te disperser, ça va faire trois minutes que tu as les yeux dans le vague et un sourire crispé, ça devient long, lourd, et vraiment pas naturel. Et surtout, il faut que j’arrête de me parler à moi-même, c’est angoissant.

- Ouaip super. On va s’faire un grec ? je crois que celui de la rue de la Roquette est ouvert jusqu’à 5 heures. Rien à manger ici.

Il baille.

Je râle,

puis feins l’évanouissement.

10 minutes et un demi kilo de viande graisseuse plus tard : BIM tiens donc, une bouche de métro. A défaut de profiter de l’hospitalité de la mienne, il est au moins sûr de rentrer dans celle-là, et direction maison.

Il râle.

Je baille,

Puis tourne les talons, et direction maison.

Mouais, un peu frustrée mais vachement contente d’avoir pu manger un bout…j’avais vraiment besoin d’éponger ; mais ça je l’ai senti tout de suite après le 4e TGV que ça allait être rude. « Je le savais ! » comme on dit. Ce que j’avais pas vu venir par contre, c’est la réplique fatale de Jeannot. Une réplique qui mérite clairement de figurer sur la liste. LA liste.

La fameuse liste de toutes ces «petites maladresses » qui font qu’une personne A perd tout intérêt / estime / attirance / sympathie pour une personne B, qui risque fort de rentrer bredouille : la libido en feu, mais l’espoir de mettre un terme à un temps indéterminé de solitude en berne. « Une évidence brutale autant qu’inattendue qui a de quoi vous plonger dans une période dépressive d’intensité faible », comme dirait Michel.

Ahlala oui, j’en ai connu, et j’en ai fait connaître des désillusions listiques : toutes ces choses à proscrire si vous ne voulez pas finir SEUL, pointé du doigt à quarante ans parce que vous n’avez pas –en plus de 20 ans de vie sentimentalo-sexuelle- « trouvé chaussure à votre pied ». Ces petits détails qui font que si vous rêviez de Louboutins dernier cris, il va falloir vous contenter d’une paire de crocs en plastique orange. Et encore, s’il en reste. Un bien triste avenir qui peut vous attendre si vous avez pris la petite manie:

- De faire des sous entendus sales à un moment inapproprié, alors même que vous vous étiez tenu à carreaux les trois soirées qui ont précédé (cf. exemple ci-dessus). Cela peut témoigner d’une pathologie psy généralement appelée « bipolarité » / d’une sacré lourdeur que vous aviez jusque là réussi à camoufler (bravo !! non, j’déconne.) / d’un besoin un peu trop franc d’affirmer votre identité sexuelle (vous voulez en parler ?) ;

- D’évoquer la fois où « Putain, le menu ave’ la cocotte de moules roquefort de chez Léon il était ‘achement mal passé ». Ceci n’est ni très intéressant, ni très délicat.

- De comparer votre interlocuteur à un fruit ou un légume au cours d’une conversation que vous ne maîtrisez pas : une idée audacieuse, mais qui peut ne pas convaincre la personne concernée;

- De sortir une tranche de jambon de votre soutien gorge quand vous avez un « petit creux », en fin de soirée ; NB : réalisée par une personne de sexe masculin, cette situation voit décupler son potentiel glauque ;

- De vous (les fiiiilles) dire : « cette fois ci, je prends mon temps : pas d’épilation, pas de tentation, hihihi ! ». Après 4 verres, vous oubliez, et après 6 vous y allez. Et au bout du compte, force est de constater que pas d’épilation = grosse frustration ;

- De commander « houit wuiskhies » au comptoir du bar, en vous tapant sur les couisses : ui, je sais que c’est très drôle d’intervertir les sons voyelles, mais tus les poublics ne sont pas très réceptifs ;

- De faire la blague de la moule et du pull-over sans avoir testé le terrain au restaurant, en commandant des gencives de porc d’un air détaché ;

- De raconter la fois où vous êtes tombées par hasard sur un wanna be alpiniste belge au fin fond du Terai népalais : parce qu’au fond, tout le monde s’en fout.

mardi 21 septembre 2010

Le Nouvel An au mois de Septembre

Hier, j’ai démissionné.

Lors du dernier dîner professionnel que j’ai eu, Monsieur le grand patron en a fait des tartines sur : sa collection de pur-sangs à Chantilly, son bateau qui mouille dans le port d’Antibes, et sa maison sur les hauteurs de Saint Trop’.
J’ai alors été frappée par une rafale de questions :
-          Si ce gros bonhomme chauve se fait 5000 euros par jour, pourquoi nous (employés exploités+clients affamés) emmène-t-il dans un restau aussi dégueulasse ?
-          Si le cabinet facture 1200 euros quotidiens mon travail pour chaque dossier, pourquoi n’ai-je même pas droit aux tickets restau ?
-          Pourquoi devrais-je rester dans ce bureau alors que mon travail est inintéressant et mes collègues insupportables ?
Après un week-end arrosé, et finalement très peu reposant, j’ai dégainé ma plus jolie robe, mes talons les plus hauts, mon rouge à lèvres le plus rouge. J’ai sauté dans le métro : 8h47, dans une main ma lettre de démission, dans mes écouteurs l’Amour à la plage.

Ahou-cha-cha-cha.

A 10h39, je suis sortie du bureau, me suis installée à une terrasse, ai commandé une orange pressée.

Envoyer valser les choses et les personnes que l’on n’estime pas : une discipline dans laquelle je tends à me spécialiser depuis quelques temps. C’est assez jouissif.
Même si évidemment, cela comporte quelques inconvénients :
-          la possibilité de se retrouver sans boulot du jour au lendemain (hihi)
-          une relative instabilité sentimentale
-          une surconsommation de cigarettes liée au stress ponctuel engendré par la perte d’un tout nouvel équilibre laborieusement construit.
Je papillonne, je papillonne.
Lalala.

Ce matin, je me suis réveillée à 11h30, j’ai englouti cinq toasts et deux cafés crèmes, avant de danser seule devant ma glace. En short. En chantant Elli Medeiros.
Il fait beau.
Demain j’ai un entretien d’embauche.
Dans une semaine, j’ai un nouvel appartement.

C’est décidé : cette année, le 21 Septembre sera le 1er janvier. 

mardi 14 septembre 2010

L'imposture


Ma fourchette est suspendue en l’air; au bout, la bouchée de foie gras dans son nuage de gelée d’airelles. Je me précipite sur mon verre d’eau avec un sourire qui évoque vaguement mes séances sur la table d’épilation intégrale.

Il faudra qu’on y revienne un jour, d’ailleurs, à cette histoire d’épilation intégrale
Mais chaque chose en son temps.

Je suis là, sur le point de faillir, encore une fois. Le supplice continue, il dure depuis 22h04. Il est 22h07. Mon tortionnaire : Léo, 10 ans.

Il faut savoir que déjà, à la base de la base, comme on dit chez moi, je déteste les enfants. Neuf fois sur 10, ils sont surtout là pour concurrencer Lara Fabian en termes de décibels, vomir sur votre robe Agnès B (celle qui vous a couté 27 heures de cours particuliers Acadomia) au moment où l'Homme de Votre Vie arrive, ou rythmer vos journées à base de "C'est toi-qui-y-est-t'es-moche-prout-hahahaha". 

Mais ce que je déteste encore plus, ce sont les enfants qui en savent plus que moi sur le monde. Et il y en a plein – trop, en fait.
En ce soir de novembre, on en est là.

- (Mère en extase) Alors Léo, tu vas aller au lit ? Tu es prêt pour ton contrôle de demain ?
- (sourire-niais-timide du-dit morveux) Ouiiiii
- Je te fais réviser ?
- (sourire-niais-timide-mais-surtout-niais-du-dit morveux) Ouiiii
- Ok ! Alors, raconte nous Léo, c’était quand, l’Hégire ?

Une pause s’impose.
Je suis interloquée.

Est-ce que j’ai déjà mentionné le fait que Léo à 10 ans ?

Depuis quand les gens de 10 ans parlent histoire ancienne, calligraphie du tchèque médiéval, distance Terre-Lune? À mon époque, les gens de 10 ans étaient des gens respectables qui écrivaient des lettres à la souris quand ils perdaient leurs dents et dont le seul rapport direct avec la Lune était Sailor Moon.
Des gens bien.

-…En 622, c’était…Et même que c’est le départ des compagnons de Mahomet, quand, eh bah, il partait de La Mecque à Médine.

Étape 1 : Sourire, toujours sourire.

Sourire signifie « hahaha, comme c’est mignon et divertissant, de réécouter ce que je sais depuis la 6ème ! Que de bons souvenirs me sont remémorés ! Dans ma grande mansuétude, je ne m’ennuie jamais en observant les autres apprendre ce que je sais si bien et depuis si longtemps ! »

Étape 2 : Compter sur le fait que personne ne dira « ah bah tiens, bichette, tu veux pas nous raconter ce que tu sais sur l’Hégire ! Ça doit être passionnant d’étudier l’histoire à ton niveau » en pointant son regard vers…moi

Étape 3 : Quoi qu’il arrive, gagner du temps au cas où quelqu’un aurait effectivement la brillante idée de me demander quand est-ce que c’était, l’Hégire – voire bien pire encore : ce qu’ EST l’Hégire. (C’est là qu’intervient le verre d’eau).

Je vous vois venir.

Vous allez me dire « OOOhhhhh cocotte, faut pas exagérer tout de même ! C’est pas la mort ». Ce qui me connaissent un peu diront même : «  Mais arrête de te dévaloriser, tout ça, tu le sais au fond, ce sont des connaissances enfouies ! » (Très loin alors). D’autres, plus rationnels diront « on a tous appris des choses qu’on a oubliées ! »

Ouais. Surement. Allez dire ça aux crevards du cours d’Histoire du Droits des Etats, qui se montent dessus pour que le prof daigne leur demander à EUX, la réponse à la question qui nous occupe pendant deux heures : Pas quand mais DE QUOI est morte Marie-Joséphine de Savoie. (Vous pensez quand même pas que je vais vous donner la réponse comme ça sans rien en échange, même pas un carambar, allez chercher sur Wikipédia)

Bref.

Comment dire.

Je ne sais pas précisément situer Toulouse.
J’ai découvert il y a 2 semaines que non, Sydney n’est pas la capitale de l’Australie – Encore moins celle de la Nouvelle-Zélande… Nouvelle-Zélande, pays qui, non, n’a pas de frontières communes avec l’Islande.

-      
    "- C’est bien ça bichette ?"
Douze paires d'yeux sourient gentiment d’un air entendu.

Comme je ne peux pas faire croire à 12 personnes que a) je n’ai pas entendu b) compris c) que je suis encore en train de boire de l’eau dans un verre vide, je repose calmement mon verre, un geste descendant qui coïncide exactement avec l’ascension d’un mystérieux fluide rouge fluo dans mes joues – souvent accompagné des mots : Humiliation/ sourire bright. 

- Léo tu crois quand même pas que je vais te souffler les réponses. Tu devrais apporter ton manuel pour qu’on puisse t’interroger sérieusement… C’est ça le truc, tu vois... (yeux dans le vide+sourire = je réfléchis, je te donne des infos confidentielles, moi qui ai réussi dans la vie) il faut toujours savoir 'l’évidence' bien sur, mais quelques détails en plus, c’est la classe... Sinon tu ne blufferas jamais personne ! »

Tout le monde trouve que j’ai raison (Sans déconner ?). J’ai 14 secondes pour scanner mentalement le manuel et céder ma place de victime à mon tortionnaire. 

Le fois gras fond dans ma bouche avec sa gelée devenue tiède. Je remplis mon verre, il n'est que 22h13.





lundi 13 septembre 2010

La Letttre à un Homme qui Souffre


Contextualisons.
Il arrive parfois de faire des erreurs. Par exemple de s’attacher à un mec qui a une copine mais qui nous court après, envers et contre tout. D’abord on essaie de se convaincre que malgré les turpitudes morales dans lesquelles cela nous plonge, ça peut être sympa une histoire pas sérieuse. On renie l’existence de l’autre fille, de toute façon on ne s”attachera pas, on ne craint rien.
L’Homme est confus, il ne sait pas ce qu’il cherche ni où il en est, il souffre, vous comprenez... Enfin non, on ne comprend pas très bien. Si on était bouddhesque ce serait plus facile. Mais en réalité...
Il a beau être confus, il fait tout pour qu’on s’attache. Soirées cosy où il cuisine un dîner parfait, invitation pour passer quelques jours à la mer chez lui, massages, lettres, roses, attente en bas de l’immeuble pour faire une surprise, sans parler d’autres qualités plus...physiques. 


Logiquement, cela peut perturber notre équilibre et faire vaciller nos certitudes. Il oscille entre l’une et l’autre, on essaie de l’arrêter mais il fait come back sur come back, toujours plus fort, toujours plus haut. On cède. A répétition. En pensant qu’à force de foncer droit dans le mur, il finira peut-être par se casser avant notre tête. En gros, on applique le bon vieux proverbe Shadok : “En essayant continuellement on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a des chances que ça marche”. Faux. Complètement faux.

Le mur gagne toujours. L’autre alternative est de prendre une pelle, pour essayer de creuser un tunnel sous le mur. Mais le mur a des fondations très profondes, et jamais on n’arrive à le contourner. Donc on continue à s’enfoncer. Profond.


Après nous avoir vu au fond du trou, dans un moment de lucidité où il se rend compte qu’il nous fait vraiment du mal, l’Homme qui Souffre peut décider de quitter sa copine. Même si on n’a, Destin oblige (et travail à l’étranger), plus que deux semaines à passer ensemble.
Deux semaines qui, psychologiquement, peuvent changer beaucoup de choses. On se sent moins stupide d’avoir céder, il a montré qu’il avait des couilles. Bien cachées, mais elles existent. On veut en profiter jusqu’à la fin. On oublie qu’il est un connard, enfin, un peu. (Les amies sont toujours là pour nous le rappeler, et prêtes à lui casser les jambes s’il s’avisait de se montrer.)


On se sépare, Destin oblige. Mais avec moins d’amertume. On sait qu’il a éprouvé quelque chose de fort, lui aussi. Que ce n’était pas qu’une illusion. On se sépare, mais on peut au moins avoir quelques bons souvenirs d’une histoire qui ne s’est pas terminée en un flot de larmes digne des chutes d’Iguaçu.


Deux mois passent.


Sans beaucoup de nouvelles. On essaie de passer tranquillement à autre chose.


Et là, là, là, il juge nécessaire d’envoyer un mail pour expliquer - comprenons il s’en sent le devoir - qu’il a retrouvé son ex. Qu’il l’aime plus qu’avant, qu’elle est une personne absolument for-mi-dable qui même dans les moments difficiles n’a jamais cessé de l’aimer. Qu’en la trahissant il s’est trahi lui-même. Et enfin, qu’il est prêt à tout pour la reconquérir.
En bonne bouddhette, on est contente de le savoir.
A notre première réaction (“va te faire foutre tu n’as pas à m’envoyer ça”), il ose répondre, cette phrase d’une beauté presque transcendante : “Je ne voulais pas t’illusionner encore. Excuse-moi. Je voulais être honnête avec toi en plus d’être honnête avec moi-même”.


Bien, laissons de côté la question de ce besoin “d’honnêteté”. Après un petit rire jaune, un coup de fil désespéré à une amie qui permet d’évacuer le premier besoin de crier “MAIS POURQUOI IL A FAIT ÇA, LE CON ?!!!!”, on attend un peu. Quelques heures, quelques jours.


Puis on écrit La Lettre à un Homme qui Souffre.


En voici un exemple :


Je t'écris de nouveau, avec plus de calme, excuse-moi mais je veux être claire. (Ndlr: on lui cite, en italique, ses perles, en espérant qu’il note l’ironie.)
J'espère que tu seras en mesure de comprendre et de mesurer le dégoût que j'éprouve.
Je n’avais aucune illusion sur le futur et je n’attendais rien du tout venant de toi, si c’est ce que tu pensais.
J'ai relu ton oeuvre littéraire de ce matin. Évidemment, tu te vois comme le protagoniste de quelque mélodrame romantique qui cherche à se racheter une conscience. Évidemment, tu te sens le devoir de partager ta culpabilité avec quelqu'un d'autre. Pauvre, pauvre  héros, attiré dans l'erreur par la Tentatrice. (Oublions le nombre de fois ou la-dite "Tentatrice" a cherché à arrêter les choses). Heureusement il a retrouvé la Voie de la Sagesse.
Je repense à certaines de tes phrases du type : "mais pourquoi tu me traites comme ça ?". Évidemment c'est toi la victime de cette histoire. Et moi, coeur de pierre et insensible comme je suis, je n'ai jamais compris à quel point tu souffrais de cette situation. Que je suis cruelle.


Tu es un bâtard. Ou plutôt, un connard et un enfoiré.  
(Ndlr : il n’y a rien à perdre, on ne se prive donc pas ce qu’on pense vraiment de Lui.)


Pas parce que tu es retourné avec elle. Comme je te le disais, je m’y attendais, et je n'ai pas attendu de recevoir ton message pour penser à autre chose. (Ndlr : et même si par hasard on pense encore à lui dans des moments de faiblesse, il n’a pas besoin de le savoir.)


Tu es un bâtard de me le dire maintenant et de cette façon.
(Ndlr : on est claire, explicite et on l’aide même avec la typographie à remarquer les mots importants. La répétition aide aussi.)


Maintenant, parce que tu devrais savoir que ce n'est pas une période particulièrement facile pour moi. (Oh, et vu que je ne voudrais pas t'illusionner, le fait que ce ne soit pas une période agréable n'a absolument rien à voir avec toi).


De cette façon, parce que à la limite il suffisait de me dire "écoute je me suis remis avec ma copine, c'est mieux si on ne se donne pas de nouvelles". A la limite. Pas en m'expliquant en détails à quel point c'est une personne fantastique, qui souffre beaucoup alors qu'elle mérite tant de choses, et que tu es prêt à tout faire pour la reconquérir parce que tu es si certain de ton amour pour elle. Vraiment. Ça fait du mal et ce n’est pas nécessaire.


Mais bon, ce n'est pas la première fois que tu as ces "pulsions" d'honnêteté, sans penser un instant au mal qu'elles peuvent faire.


Donc, pas de rage, plus de larmes. Tu ne les mérites pas. Juste un profond dégoût.


La seule autre chose que tu mérites est mon indifférence la plus totale.


*
* *


Dire les choses comme on les sent, sans se retenir, ça fait un bien fou. Effet catharsique garanti.


En ayant écrit ça, on se dit : “Là, c’est sûr, il va comprendre, va aller se faire voir et me laisser en paix”. . .


Et bien non, pas forcément. Il peut ne pas comprendre l’ironie (si, si, c’est possible), et répondre, en toute honnêteté, qu’il ne sait pas pourquoi on insiste pour se donner le rôle de “diable tentateur” (sic). Et de finir par “Ne me déteste pas, mais si tu tiens vraiment à le faire sache que je ne te déteste pas et que je ne t’accuse pas”. Wow, simplement, WOW. On reste sans voix face à cette générosité, cette grandeur d’âme, ce geste de parfait gentleman et grand seigneur.


Sa connerie est donc sans limite. Notre bonté d’âme et notre propension au pardon, par contre, si. Donc on ferme la page.