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lundi 5 septembre 2011

Je, je, je suis à la bibliothèque


Aujourd'hui c'est une journée de merde. Des millions de collégiens et de lycéens retrouvent le chemin de l'école.

Pas moi. J'ai fini mes études.

Mais je me retrouve quand même à la bibliothèque à plancher sur un article académique interminable qui porte sur un sujet ultra technique. Comme je n'ai pas réussi à lire plus de la moitié de la documentation pour ce faire, je peux déjà prédire que le fruit de mon travail sera à la fois inexact et relativement chiant. Je mastique le même chewing-gum depuis trois heures. Je réalise qu'en réalité ça fait dix minutes que j'ai la bouche entrouverte, et prends conscience que c'est probablement pour cette raison que le mec plutôt pas mal avec une petite barbe et un t-shirt cool me fixe depuis quatre-vingt secondes environ. En même temps il est bloqué à la même page du Code Civil depuis onze heures ce matin. Je le fixe à mon tour, et décide de garder la bouche ouverte. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est devenu une question d'honneur personnel. Une voix nasillarde et un micro qui grésille font cause commune pour appeler « Mélusine Pocheton » au bureau des portables : non mais, sérieusement ? Je ne savais pas qu'il y avait un « bureau des portables » à la bibliothèque. La voix revient : la lourdeur du truc. Du coup je fais une blague sur « Mélusine Pocheton ». Comme mon pote n'entend pas, je répète plus fort en faisant un mime drôle. En fait, Mélusine Pocheton est assise à côté de moi et va récupérer son portable au bureau des portables. Elle n'a pas aimé mon humour. De toute façon je m'en fous, j'ai un mec à regarder bouche ouverte. Il a détourné les yeux pour relire son Code. Il a perdu, hein ? Hein qu'il a perdu le jeu ? Du coup, je referme la bouche. Je me dis que quand même, c'est la rentrée et donc je devrais prendre des bonnes résolutions. Par exemple faire du jogging trois fois par semaine. Non, c'était pour rire. Par contre je pense arrêter de mettre de la mayonnaise dans les raviolis en boîte que je mange tous les trois jours. Peut-être que grâce à ce nouveau train de vie, j'aurai des bras plus toniques, et les gens arrêteront de se moquer de moi en soirée à cause de mes triceps mous. En attendant j'ai hyper faim. Un mec vient de dire « merde ! » tout fort à côté de la photocopieuse, et toute cette colère gratuite m'angoisse énormément. Du coup je vais plutôt aller à la cafétéria pour manger un Pitch.

C'était chouette.

Malheureusement, Mélusine Pocheton est partie.

Mon pote a dessiné une bite sur l'un de mes principaux outils de travail : une feuille de papier.

Pas grave. Je me souviens qu'en cinquième, on avait des cours de dessin où le but était de transformer un objet du quotidien en chose extraordinaire, rêvée. Notre professeure d'arts plastiques portait chaque mercredi une polaire Windzip et son esprit fourmillait d'idées originales : comme la fois où elle nous avait expliqué qu'en se plaçant sur un damier magique, on pouvait planer jusqu'à des endroits merveilleux – comme une jungle colorée, elle disait. En attendant, je transforme la bite de mon pote en cornet de glace.

Je réalise que cette phrase peut laisser place à de multiples interprétations scabreuses, sinon vulgaires. Heureusement, l'image ci-dessus viendra appuyer mon discours.

Comme je pense avoir atteint le sommet de la vanne avec ce dernier paragraphe, je décide de m'arrêter là. Ce serait dommage de gâcher ce joli billet par une fin qui ne serait pas au niveau : cette année, soyons dignes.


Autopromo : aussi sur www.lecheminjaune.tumblr.com

jeudi 28 juillet 2011

Le placard au-dessus du micro-ondes


J'aurais jamais dû ouvrir ce placard.

J'aurais JAMAIS dû ouvrir ce placard.

Dix minutes que je répète cette phrase en boucle. Pourquoi? Une foule de raisons s'offrent à vous: la photo oubliée d'un amant de passage? Non, bien sûr que non. Une lettre envoyée par mon grand-père exilé en Amérique latine dans les années 1980 pour faire oublier son passé trouble? Encore moins.

Le placard est au-dessus du micro-ondes. Il abrite un mini butagaz qui doit servir aux gens qui veulent faire du camping, des allumettes géantes, une bouteille de Picon. Au moment où ma main écartait les paquets de chips aux crevettes qui me séparaient d'elle, j'ai senti le regard accusateur de Bertie. Cette marmotte qui fait touit, qui décrypte les comportements humains, cet animal qui sait.


J'ai toujours eu ce problème: une bière, un Picon, des idées un peu vagues qui se transforment en illusions faciles. Alors voilà: seule, un peu triste, très désœuvrée sans doute, je l'ai ouverte. j'en ai bu un peu, sans doute trop. Ce qui est drôle, c'est qu'il y a quelques mois encore j'étais convaincue qu'il ne s'agissait que d'un sirop amer, qui donnait du goût à un liquide insipide et des étoiles dans des yeux vitreux.

Mais non, le Picon titre 18° exactement. Après mon cinquième verre, et la seizième écoute du même morceau de rock gaélique, je me suis tout simplement dit:

"Merde, c'est mercredi, presque minuit. C'est mercredi, quoi."

Bim, un coup de fil et c'est parti: un bar et des amis. Au comptoir, le mec me dit une phrase qui me tombe tout droit dans l'estomac:

"- Désolé, mais on n'en sert plus.

- Pardon?

- Bah oui, le Picon: on n'en sert plus.

- Mais je n'ai rien commandé.

- Mais je te connais.

- Ah."

Derrière lui, Bertie me sourit. J'étais pourtant sûre de l'avoir rangé au-dessus d'un micro-ondes à plusieurs stations de là. "Il te connait. Il te connait, et il n'en sert plus."


"- Ok, va pour une pinte.

- Va pour une pinte.

- Ardoise?

- Ardoise.

- Fais gaffe, je sais encore où tu habites."


"- Il te connait."

"- Ah."


Il n'en sert plus. Mais ça va aller, ça va bien se passer. Si j'ai bien compris son discours, ils ont décidé d'arrêter le service "parce que ça rendait vraiment les gens trop cons." Une crainte s'est installée dans les bars, chez les gens. Un ami me confiait, pas plus tard qu'hier: "Mes parents sont venus chez moi le week end dernier; ils ont vu ma bouteille de Picon et ils m'ont dit qu'ils avaient vu à la télé que c'était pas bon. Genre cancérigène, je sais pas quoi." M'est avis que les parents en question auraient pu faire preuve d'un tout petit peu plus d'imagination. Et puis ça rend les gens drôles. Tiens, un jour, à trois heures du matin j'avais appelé un type pour le menacer de le poignarder avec des chips s'il ne décrochait pas, alors même que je l'avais au téléphone.


Je refuse donc de me laisser aller. De la Grolsch tiède, on s'en lasse vite. Alors on passe aux hards. La musique est un peu trop forte, les gens de plus en plus tactiles, un mouvement se lance et un taxi démarre en direction des Grands Boulevards.

Accoudés au bar, des trans relativement mal réussis lancent des coup d'oeil complices aux filles qui tombent dans les bras d'étudiants en communication aux discours parfaitement rodés, pendant qu'un groupe de journalistes web hipsters tente de se faire une marmotte en peluche gouailleuse et amusée. Ça va faire une heure que je dialogue par calepin interposé avec un homme manifestement sourd et chauve à la fois. C'est marrant il me dit vaguement un truc.

"- Il te connait.

- Tes interventions à répétitions alourdissent le texte."

Il me parle d'un cadeau, d'un départ, tout cela est très décousu. En cherchant bien, il a quelque chose, hein, c'est indéniable. De plus, il possède cet avantage incroyable qu'il ne pourra jamais me couper la parole de façon brutale sous prétexte que je parle trop. Soudain, l'idée triste qu'il ne puisse pas entendre le jukebox hurler pour la quatrième fois en deux heures Like a Virgin envahit le fumoir. Par conséquent, je décide de lui mimer la chanson. Une technique de drague peu distinguée, mais frontale.

Il sort de la pièce en regardant les lacets de ses chaussures bateaux. C'est un échec.

Mais qu'est-ce qu'il peut faire chaud!

Intenable. Putain, c'est intenable.

Ce jean slim gratte affreusement, mes pieds hurlent leur inconfort dans ces jolies chaussures à talons qui coûtaient une blinde l'automne dernier. Et cette chemise à col claudine censée me camoufler derrière un air parfaitement angélique ne sert qu'à garoter ma carotide. Le regard ahuri des gens accompagne ma sortie du fumoir. Il faut trouver les toilettes. A l'étage. L'ascension des escaliers est laborieuse, une quinzaine de marches: chaque pas est un véritable calvaire. Une frange épaisse, beaucoup trop lourde, elle me tombe dans les yeux.

Insupportable. Cette démangeaison est insupportable; et le bourdonnement continu du mauvais son.

Mes doigts, absolument énormes, glissent sur la boucle de ma ceinture. D'ailleurs je n'en ai plus que quatre. Il ne faut pas céder à la panique. Perdre un doigt ça peut arriver à n'importe qui. Vous pensez que c'est cancérigène, d'ailleurs? Demandez-vous un peu ce que diraient les parents de mon pote. Il est bientôt huit heures. Je vais simplement aller boire un café avant de passer une matinée de travail stérile au bureau. Je remercie l'humanité d'avoir inventé l'ordinateur et son clavier, qui rendra l'épreuve du rendu de dossiers beaucoup moins rude qu'avec le maniement du stylo, bien consciente de mon nouveau handicap. Il faut que je me lave les mains. Sans les regarder.

Le lavabo plus si blanc est surplombé par un petit miroir usé par des centaines de visages en décomposition.

Un éclat de rire incontrôlable. Le robinet crache et au-dessus, Bertie qui me sourit.

Incroyable, putain c'est incroyable.

Penser concret. Penser PRATIQUE. Le bureau ouvre ses portes dans vingt-cinq minutes. Je me lance dans une course infernale: la traversée de la salle où s'échauffent les derniers danseurs est particulièrement rude. Faut se détendre les mecs, c'est jamais qu'une marmotte. Une fois arrivée à la station, une série de gesticulations ridicules me permet finalement de passer le tourniquet. Les stations défilent sans permettre d'éponger le léger retard qu'il faudra assumer une fois sur place.

Je suis parvenue à atteindre mon poste avec une absolue discrétion, très probablement grâce à mes nouveaux petits coussinets. "Touit touit",dis-je.

Non, c'est un gros fail. Sonnerie. Ligne interne. Boss. Veut. Te. Voir. Dans. Dix. Minutes.

J'attends, j'attends.

C'est long.

Ça fait dix minutes là, je crois.

J'aurais juste jamais dû ouvrir ce placard.

J'aurais juste JAMAIS dû ouvrir ce placard.

Ne serait-ce que pour ne pas perdre l'usage de mes mains. Ou pire à l'heure actuelle: mon emploi.

Les sueurs en pensant aux futurs entretiens d'embauche.

J'y vais. Mon supérieur hiérarchique est impassible derrière son très beau bureau recouvert de post-its, format A4, qui lui permettent d'écrire les numéros de téléphone de ses clients en très très grand: l'efficacité au travail, tout simplement. Des cernes gigantesques soulignent son regard vide, déjà accentué par un crâne aussi lisse qu'un petit galet breton.


"- Alors tu y as réfléchi?

- Pardon?

- Oui, tu participes au pot d'adieu de Ghislain, du poste 5?

- Pardon?

- Ça fait deux jours que tu me dois une réponse, on en a parlé il y a trois heures. T'avais l'air plutôt enthousiaste sur le coup. Je prends ça pour un oui.

- Oui.

- Et pour ta gouverne, je suis homosexuel."

J'aurais jamais dû ouvrir ce placard.

lundi 6 juin 2011

Mauvaise humeur

Le week-end dernier, une bonne amie expatriée depuis quelques temps était de passage à Paris. L'occasion de nous rappeler de bonne vieilles histoires : la fois où le CPE de notre lycée nous avait demandé de nous frotter le scrotum contre un pilier du foyer (on faisait partie du club théâtre. Tous les comédiens doivent faire des trucs chelous avant de monter sur scène, non ?), le jour où une copine avait vomi dans la cage d'escalier londonienne d'un coréen probablement démembreur (mon correcteur d'orthographe me fait signe que le mot « démembreur » n'existe pas. DEMEMBREUR DEMEMBREUR DEMEMBREUR. Bref.), ce midi à la cantine où nous avions mangé huit galettes des rois à deux, cette matinée ou après six mois de réflexion je m'étais enfin décidée, tremblante, à aller demander un ticket de bus à Arthur (le grand brun, un peu dégingandé, alors source de fantasmes tout à fait innocents). (D'ailleurs, Arthur, si tu lis ce blog –ce dont je doute fortement- je te fais un gros bisou).

Un condensé de l'époque où elle portait encore des pantalons Pussy, et moi un poncho XL gris qui me vaut depuis le joli surnom « Pépito ». (Je le trouvais assez cool, en vrai.)

Depuis, bien sûr les temps ont changé : un poncho de perdu et des galoches de plus en poches.

Je vous laisse répéter cette phrase, marquée par une belle allitération explosive dont je ne suis pas peu fière. C'est tout ce qu'on peut en faire en fait –la répéter, parce qu'elle n'a absolument aucun intérêt. D'ailleurs, il serait assez drôle de compter le nombre de phrases et d'énoncés parfaitement inutiles de cet article. Je pense que le résultat serait édifiant. Comme pour la plupart des blogs d'ailleurs. Que des gens racontent sur internet leurs histoires pathétiques en tâchant d'être drôles me fend le cœur. Internet donne finalement l'occasion à un tas de personne qui vont manifestement mal de s'exprimer sous la cagoule grossière du mauvais lol ou de l'écriture médiocre. En fait, internet a le goût d'une existence constamment transfigurée par l'échec, en même temps qu'il me rappelle combien le droit de supprimer tous ceux qui nous agacent devrait figurer en première place dans la Constitution de la Cité Idéale. Probablement le seul bon point qu'on peut trouver au gouvernement Zuckerberg.

OK.

Je viens de relire mon paragraphe, et je réalise que demander à un copain de me filer l'intégrale de Cioran hier pour nourrir mon univers littéraire n'était pas une super idée. De l'Inconvénient d'être né, ça vous plombe un texte tout de suite. C'est pas faux, hein, mais ça vous le plombe. Donc on congédie Emile maintenant, et on rejoint gentiment le rang des personnes qui au lieu d'investir dans une thérapie de fond préfère faire perdre dix minutes de leur temps à une poignée d'hypothétiques lecteurs.

Et puis, être enrhumée ne justifie PAS le fait d'être désagréable comme ça. Allez zou, un clip d'Hernando Fernandez, le temps de me rêver danseuse de cumbia columbiana vulgaire juste ce qu'il faut, et c'est parti.

Non, c'est pas parti, j'écrirai un truc drôle, léger sur les compagnies aériennes low-cost la semaine prochaine.

Flemme. En plus, une pote vient d'arriver chez moi, avec un aspégic, et du pesto.

Arthur, j'espère en réalité que tu ne lis pas ce blog, où mes chances sont définitivement fichues (et après neuf ans d'attente, ce serait rude.)




jeudi 7 avril 2011

Les couples d'amis


(Un clin d’œil et un gros big up à mon co-auteur pastisophile)


J’allais commencer ce post par une super introduction. Un formidable paragraphe pour resituer la conversation qui m’a menée tout droit vers la rédaction de ce papier.

Parce qu’il y a une dizaine de jours, j’étais avec un copain, on voulait aller chez Janou : histoire de boire un pastis, de manger des tomates et du pistou, ce genre de trucs sympa. J’aurais franchement pu en faire des tartines sur l’échec de notre petit projet, sur la guerre qui régnait à l’intérieur, la cohue autour du comptoir, le bordel dans la salle, Alain Souchon dans les enceintes. Ensuite, vous auriez eu droit à une description un peu chiante de la place du marché Sainte Catherine ou nous avons finalement atterri, ça aurait dérivé sur le café de la Magie et des vannes faciles sur le catogan de Dominique Duvivier (le roi du close up, bande d’incultes). Derrière nous il y avait un mec avec un K-way rouge qui racontait qu’il se prépare à la fin du monde depuis 2002. En bref, j’avais de quoi vous balancer du lourd.

Mais on s’en carre.

Parce qu’au final, on a passé le diner à parler d’un phénomène de plus en plus répandu ; un truc qui a tendance à pourrir (non, le mot n’est pas trop fort) notre quotidien et finit même par ternir nos soirées-copains.

LES COUPLES D’AMIS.

Ils sont beaux.

Ils sourient.

Ils disent « on » tout le temps.

Ils plombent l’ambiance au restau.

Ils font des projets à deux. Ou quatre. Enfin un truc pair, dans tous les cas.

Ils échangent parfois leurs vêtements et ça nous met un peu mal à l’aise.

Ils aiment bien nous regarder avec un brin de condescendance (du coup, on se projette à la table des losers lors de leur mariage, prévu l’été prochain. Ou celui d’après, ça n’a pas tant d’importance, puisqu’ils vivront probablement heureux jusqu’à la fin des temps. Hinhinhin.)

Une analyse s’imposait. Un texte sérieux, et strictement organisé autour de sous-parties clairement définies.

Attention pas d’aigreur, tout cela a été empiriquement vérifié.


Remarque introductive : n’est pas couple d’amis qui veut

A l’instar des couilles ou des perruches, le couple d’amis fonctionne toujours par deux. C’est une créature bicéphale qui sort le moins possible sans celui ou celle qu’il convient d’appeler « sa moitié ». Une rapide analyse sémantique nous le prouve : Anne Laure ET David, Yves ET Line, Shirley ET Dino. Si on le met en contexte on obtient : « Notre couple d’ami, Truc ET Muche, nous disait justement l’autre jour… » (oui, le couple d’amis parle à l’unisson, mais nous y reviendrons). Notons qu’une fois marié, le couple d’amis devient encore plus soudé (et donc indissociable) puisqu’on dit alors : LES Mouchaboeufs, LES Pitt (si on a de la chance) ou LES Ben Ali (si on en a moins). L’article défini pluriel nous dit deux choses :

1) Tout le monde sait de qui il s’agit puisqu’on parle d’eux deux depuis quinze ans (ce qui est génial, c’est que même si ça ne fait que trois mois ils arrivent à nous filer cette impression : les couples d’amis sont des magiciens du temps) :

2) Le pluriel permettra bientôt (un jour !) d’inclure les enfants quand toute la petite famille nous invitera à l’Ile d’Yeu pour les vacances. Notons que certains couples peuvent même fondre leurs deux prénoms pour plus de cohésion : Bennifer, Brangelina...

En fait, tout ça m’amène à balancer une grosse évidence qui va vous faire mal: si vous êtes seul(e), vous ne sauriez être un couple d’ami. Vous êtes alors, dans le meilleur des cas, une MCAP : une Moitié de Couple d’Amis Potentielle. Si vous échappez même à cette classification, désolée de vous dire que vous êtes considérés avec autant d’estime qu’une allumette sans grattoir : un truc inutile, mais qu’on termine toujours par garder dans la poche de son bermuda. (En effet, le couple d’amis termine tôt ou tard par porter des bermudas. A l’Ile d’Yeu. Avec des enfants autour. En bermuda, eux aussi).


Le couple d’amis est heureux, et fier de l’être

Le couple d’amis n’a aucune pudeur lorsqu’il s’agit d’exposer son bonheur sans ombre. Pourquoi le devrait-il puisqu’il est persuadé du bien fondé de son mode de vie ? D’ailleurs, est-il possible que l’on puisse souhaiter une existence différente de la sienne ? Ils ont raison d’être heureux, la preuve par trois :

- PDAs (les fameux Public Displays of Affection): qui ne s’est pas retrouvé dans un endroit clos –train, tente, voiture, ascenceur- avec un couple d’amis qui se faisait des petits bisousoubisous ?

- surnoms « trotromignons » ;

- certitude d’un amour qui durera pour l’éternité, et, par voie de conséquence, un emploi du temps réglé pour la période susmentionnée : et ouais, la soirée bière-baby que vous tentez de vous faire avec Gégé depuis six mois, ça n’arrivera plus. Désolée. Ou alors il faudra commander une bière sans Picon, se lancer dans l’épineux débat « est-ce beauf de boire du pastis[1] ? », et expliquer pourquoi faire une roulette c’est pas réglo. Autant rester chez soi et manger des chips.


Le couple d’amis est un animal grégaire

Le couple d’amis n’aime rien de plus que s’entourer d’autres couples d’amis. Le cheptel est ainsi multiplié par deux en un temps record.

Comment les couples d’amis se rencontrent-ils ? Comme pour toute histoire d’amour, il y a deux explications possibles : la version optimiste (un coup de foudre bien entendu) et la version réaliste (une combinaison de déterminismes socio-culturels).

Ce qui compte ici, c’est le parallélisme : on se file des grandes tapes dans le dos entre mecs ; on glousse entre filles. Peu importe qui connaissait qui avant le jour béni quand démarra la glorieuse Histoire de votre amitié à quatre, cette période est aussi peu pertinente que la veille de l’Hégire. Peu importe également que les chances de revoir cette joyeuse assemblée réunie en cas de rupture d’une des parties soient aussi élevées que celle d’un panda neurasthénique au départ du Prix de l’Arc de Triomphe.


Le couple d’amis a toujours un alibi, et en général, c’est vous.

Conscient de l’indécence qu’il pourrait y avoir à exposer son bonheur de manière trop exclusive, le couple d’amis cherche malgré tout à fréquenter quelques célibataires. Cela flatte sa conscience ET lui permet d’établir un contraste avantageux entre l’équilibre qu’il a trouvé et le chaos de votre vie affective. Vous êtes inférieur à lui, mais ce n’est pas votre faute : vous n’avez pas eu sa chance.

Vous voilà donc dans le rôle de Swann invité chez Mme de Guermantes dans la tourmente de l’affaire Dreyfus : vous êtes son (leur si vous avez la chance de fréquenter plusieurs couples d’amis en même temps) bon Juif. Sauf que vous, on peut vous changer. (NDLR : Nous sommes conscients des risques probablement élevés d’interprétation antisémite autour de cette boutade, mais quelle belle transition)


Le couple d’amis se sent investi d’une mission

Le couple d’ami se pose en missionnaire, et pas seulement au lit le samedi soir : vous devez être éduqué. A la manière de Victor l’enfant sauvage qui obtient un bol de lait quand il reconnaît la clé posée sur la table, peut-être aurez vous droit à un deuxième verre de Chardonnay (pas Picon que je vous dis) si vous admettez que tout de même, la vie de couple vous manque ou vous fait envie.

Mais en réalité, le risque réel vient quand commence la fameuse leçon de morale à l’usage des célibataires et autres déviants : « Tu bois trop. Tu sors trop. Tu ne dors pas assez. Tu ne crois pas à l’amour/au romantisme/à la Saint Valentin. Tu devrais faire des steps et arrêter de manger des parts de pizza froides la nuit si tu veux rencontrer quelqu’un (votre seul objectif dans la vie, je vous le rappelle). Tu ne devrais cependant pas porter cette tenue aguicheuse pour atteindre ton but. Tu te protèges au moins ? »


Les « pièges couples d’amis » : comment les repérer ? Comment y échapper ?

Aussi vrai qu’on n’échappe pas à son destin, et rarement à un contrôle fiscal, on n’échappe pas aux couples d’amis.

Le couple d’amis cherche, par tous les moyens et en dépit du bons sens, à vous « caser ». Vous ranger, en d’autres termes. Vous faire sortir de votre vie de débauché(e) proche d’un épisode d’Ab Fab. Ne serait-ce que parce que ça risquerait de donner de mauvaises idées à madame. Donc ce dont vous avez envie (qu’en savez vous d’ailleurs ?) : on s’en fout. Qui ? (un ami + une amie= un couple d’amis, n’oubliez pas l’équation).

Aucune importance, ils cherchent. Souvent ils trouvent. Et là c’est le moment où vous êtes embarqués dans un double date où la seule solution consiste à vous démonter le plus vite possible au gin-to pour faire passer la gêne et anesthésier l’instinct qui vous pousse à courir le plus vite possible afin d’échapper à cette situation embarrassante.


Le couple d’amis, une psychologie fragile

Sous le vernis impeccable de leur vie sans encombre, le couple d’amis a des problèmes (et au fait, tant qu’on y est, on a appris de source sûre que Scarlett Johansson va régulièrement aux toilettes). Et le plus souvent il vous en fait part, espérant trouver sur votre épaule fourbue un peu de réconfort. Trois cas de figure s’offrent à vous :

1) Vous êtes ami avec un seul membre du duo : ça ressemble à une conversation normale avec un ami normal, à ceci près qu’il vous fait comprendre, explicitement ou non, que vous ne pouvez pas réellement percevoir toute la complexité de la situation puisque vous ne goûtez pas au bonheur mis en péril par la crise actuelle.

2) Les deux membres du duo se confient à vous séparément : vous pouvez au mieux rire des petites différences entre les deux versions (qui a oublié d’éteindre la cafetière ?), au pire constater qu’un fossé se creuse au milieu d’un édifice qui vous semblait indestructible (et camoufler ce petit sourire qui ne serait pas du meilleur effet).

3) Le couple d’amis commence à s’effondrer devant vous : Ecoutez Gandalf, et « courez pauvres fous ! ». Ecoutez-moi et tentez une diversion en parlant de la poutre de Bamako, un sujet qui met tout le monde d’accord en général.


Dernière remarque :

Attention, une fois en couple, rien ne s’arrange au contraire : il y a des couples sans couple d’amis, mais comme les poulpes devins ou les actrices porno diplômées, c’est pas la majorité de l’espèce.


Bisous, donc et bon courage.


[1] La réponse est « non », cela va de soi. Et gare au prochain qui fera la réflexion.

mardi 29 mars 2011

J'ai testé pour vous... travailler et s'HABILLER à la Défense


Ca y est j’ai chopé un stage.  « Où ça ??? » me demande-t-on. « En banque ». Les visages pâlissent. De nouveau : « où ça ??? ». Je hoche la tête d’un signe d’approbation. Ils l’ont déjà compris. « Merde… T’es à la Défense ? ». Hochement bis.

Ouais, parce que c’est absolument radicale. Quand j’ai dis que j’allais travailler à la Défense, je décelais systématiquement dans le regard de mes interlocuteurs une forme effroi, un aperçu de l’enfer dramatique dans lequel j’allais m’engouffrer.

Immanquablement l’évocation du lieu est associée à d’autres questions ou exclamations du type : « Ouh bah va falloir refaire ta garde robe ! », «  N’oublie pas : noire, gris, bleu marine – A LA RIGUEUR », « Ah et puis attention au vernis à ongle rouge… Que des couleurs neutres, hein ?».

Heu. Soit. Certes. Bref. Hum… Lointain est mon épisode punk de terminal.

Ainsi, très curieusement les angoisses généralement liées à un stage « ordinaire » (lire : « pas à la Défense »), comme « vais-je me voir confier de vraies responsabilités », « mes collègues seront-ils sympas », « est-ce que mes missions seront intéressantes » se sont transformées en : « Mon Dieu je ne vais rien avoir à me mettre… Et puis j’ai pas le temps de refaire ma garde robe... et... et... pas forcément le fric… Merde ! Je vais devoir claquer le premier salaire d’un job que je n’ai pas encore commencé pour être acceptée socialement dans un environnement des plus menaçant ». En gros, trouver des chemisiers blancs et des jupes trop longues est devenu d’une nécessité suprême, gage de ma survie (peut être).

Bien sûr, comme évoqué précédemment, je n’avais pas le temps de me trouver de quoi m’attifer correctement. J’ai tout juste eu une après midi pour choper deux robes (parce que non, désolé, le tailleur j’ai vraiment pas pu, c’est contre ma religion) que j’ai considéré comme correctes / sérieuses et un poil mignonnes (histoire de pas être dépitée le matin en me regardant dans la glace).

1er jour : choix d’une des deux robes. Le drame n’est jamais bien loin…

Tentative n°1 la petite robe, un peu longue, serrée à la taille. Je l’enfile. Un peu froissée. Bon. Je me place devant le miroir et que vois-je ??? En transparence apparaît mon entre-jambe !! Enfer et damnation, moi qui croyait avoir choisi le nec plus ultra de la neutralité, voilà que la robe s’avère révéler mes formes. Montée de stress. Règle n°1 : tes attributs féminins tu ne dévoileras point (lire : « la population majoritairement masculine de banquiers ne doit pouvoir t’identifier comme une personne du sexe opposé»). On raye l’option n°1.

Je ne me suis pas levée aussi tôt que prévu. Il me reste peu de temps. Tentative n°2 j’enfile la seconde robe. Je me place devant le miroir. Merde… Est-ce qu’elle ne serait pas un peu courte ?! Elle remonte à 10 centimètres au-dessus du genou. J’ai soudain peur du caractère quasi pornographique que pourrait revêtir une robe qui en temps normal (et dans des lieux normaux) paraîtrait tout à fait ennuyeuse. Alalala mais nonnn c’est pas possible. Je n’ai rien d’autre à me mettre. Mais que faire ?! Je prends ma veste beige un peu moche achetée la veille. Elle donne un côté sérieux au tout (comme si la robe noire ne suffisait pas). Bon ca rééquilibre (je me persuade). Il manque quelque chose ! Une ceinture ! Après 3 essayages différents (suis-je folle), je suis prête à affronter « LA DEFENSE ».



Prologue : bien sûr j’ai survécu et bien sûr ma robe noire était bien assez neutre (et longue). Pire encore, au bout de ma première semaine mon collègue sénior m’a lancé à la volée « oulala mais tu mets que du noir toi ! Un peu de couleurs que diable ! ». MERCI. Tous ces efforts réduits à néant.

Depuis je mets du vernis à ongles ROUGE, des jupes tailles hautes et des hauts à fleurs (quasi hippie). On n’arrête pas le progrès. Et j’ai même pas mal pris le commentaire d’un pote qui était venu manger avec moi un midi et qui m’a déclaré « ah bah tu détonnes par rapport au standing vestimentaire de tes collègues ».  Maintenant j’ASSUME et n’ai rien à ajouter pour ma DEFENSE.

lundi 28 mars 2011

Un col roulé sur le piano (part 1)


(Oui, à Nousavonstestépourvous, on passe au feuilleton, afin de fi-dé-li-ser nos [nombreux] lecteurs, un système d’abonnement-courrier sera mis en place dans les semaines à venir)

Il y a quelques jours, j’ai eu un gros coup de blues. Le genre de truc qui nous arrive à tous : d’un coup, je me suis retrouvée à manger des chinoiseries graisseuses en jogging qui bouloche, seule ou presque, face à mon écran. Mon unique compagnon était ce soir-là une marmotte en peluche qui fait « twouit-twouit » quand on lui appuie sur le ventre. Avec un petit béret rouge. C’est une jolie marmotte. Je l’ai appelée Bertie.

La journée avait mal commencé : un papier à rendre le soir même sur le principe de mutabilité du service public ; au Lavomatic, la machine à billets m’avait bouffé 10 euros ; enfin, ma douche était bouchée. En me pressant dans les rayons du Franprix pour trouver une bouteille de Destop dans ma tenue-chômeuse (lunettes sur le nez, large excès de sébum capillaire, haut de pyjama mal camouflé sous mon blouson), j’avais aperçu un ancien plus-ou-moins-copain-mais-enfin-bon-c’est-pas-très-clair en train de s’acheter de la langue de bœuf au rayon frais. Je suppose que c’est dans cette allée que nos regards se seront croisés pour la dernière fois.

Après une aprem de boulot intense, j’étais heureuse de retrouver Bertie, sur le canapé. Il n’avait pas beaucoup d’appétit, et restait là, les bras ballants devant son ravioli pékinois : Paul le Poulpe avait déjà été un coup dur, et je pressentis que la mort soudaine de Knut allait l’entraîner dans une longue période de dépression molle. Tout ça me foutait le cafard, mais je crois avoir touché le fond en tombant là-dessus. Evidemment j’avais vu l’entretien paru dans Libé il y a quelques temps ; évidemment je n’avais pas acheté ses deux derniers albums ; évidemment sa voix déraille et son stylo sèche, mais merde, là c’en était trop. La voix qui a bercé mon enfance, les reprises lycéennes, poing levé et keffieh sur la tête (et parfois même autour du coup), la deuxième génération braillée dans la voiture et les éternelles vacances bretonnes où le vent soufflera. "Comment ça fait quand tu ne te plais plus au fond du miroir/ Comment ça fait quand il te fait un portrait plutôt noir/ Tu vas où quand tu t'absinthe/ loin" : c’est juste à chier. Evidemment, EVIDEMMENT, Bertie ne levait même pas le nez de sa putain d’assiette pour me tenir la main. Un litre de pastis qu’il disait ? J’allais au moins avoir besoin de ça : « zinc, prépare-toi. » Ce cas de force majeure m’avait poussée à reconsidérer une invitation à une soirée organisée par l’équipe de foot gaélique de Vervins pour l’anniversaire de leur numéro 7 (longue histoire). Je me lavais donc les cheveux avant de sauter dans mon jean fétiche, et de me retrouver quelques minutes plus tard au bar entre la Vierge en vitrine et Katsumi dans les toilettes.

J’étais tranquille j’étais peinarde, accoudée au comptoir, un type est entré dans le bar et m’a regardée d’un air vicelard : c’était lui.