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jeudi 13 janvier 2011

Twitt-angoisse


Il y a deux semaines, c’était le Nouvel An. Qui dit Nouvel An, dit soirée qui a neuf chance sur dix d’être complètement nase, dit gros bécots de gens qu’on n’aime pas (quand on a la chance de les connaître) dans un appart à la déco douteuse, qui est en plus vachement loin de chez nous.

Certes.

Mais qui dit Nouvel An, dit…TADAAAM : Bonnes Résolutions.

Cette année j’ai laissé tomber les éternelles résolutions qui ne servent à rien et qu’il est inenvisageable de tenir: arrêter de fumer, ne pas dépasser le quatrième pastis le jeudi soir (ce qui revient à admettre que le vendredi n’est PAS le premier jour du week-end), rentabiliser l’abonnement annuel à la piscine de quartier, arrêter de décréter qu’on sort avec un gros nase une semaine après l’avoir rencontré parce qu’il n’a pas RI à la blague de la moule et du pull-over (qui est quand même vachement drôle).

Non.

Cette année, j’ai appliqué ma bonne résolution à peine une semaine après la première minute de la première heure du premier jour de cette nouvelle année. 2011 sera sous le signe de la cool attitude, du « LOL », de l’ultra-sociabilité numérique, de l’info en perfusion.

2011 : l’année où je me suis créée un COMPTE TWITTER.

J’ai pris la chose étape par étape, évidemment. Les cases sont remplies. Je ne mets pas tout à fait mon vrai nom quand même. Au cas où. Je doute à présent de l’efficacité de cette démarche, puisque j’ai quand même mis mon prénom et les trois premières lettres de mon nom de famille. Parfois, ma vivacité d’esprit me bouleverse.

Première épreuve sérieuse: le choix du « pseudo ». Alors oui, il est important de préciser une chose: je souffre d’un gros manque d’imagination. Conclusion n°1 : tous les articles publiés sur ce blog sont des retranscriptions banales de situations vécues. Ma vie prend soudain une allure un poil pathétique, et les articles un intérêt « limité ». Seigneur. Conclusion n°2 : je ne vais pas réussir à me trouver un pseudo cool-décalé-vendeur. Alors oui, vous me direz que je pourrais simplement mettre mon prénom et basta, et par là même assumer la médiocrité potentielle de mes tweets. Mais non, je veux du défi créatif, du vrai : je veux de la poésie.

10 minutes, puis 20 s’écoulent. Non, vraiment là j’vois pas. Et puis ma boss me réclame un papier pour la fin de journée. L’ouverture de ce compte Twitter ne serait-il pas une forme de procrastination encore plus redoutable que le nettoyage compulsif de ma cuisine qui précède habituellement le rendu d’un dossier ?

Ok, bon, j’vais pas y passer la journée non plus ; ce qui compte c’est le contenu après tout. Bon. Bon, bon. Bonbon. Hihihi. Non, on se recadre. Aloooors….hmmm…Allez hop : on double les deux premières syllabes du prénom « Floflo », on y accole la dernière syllabe du nom de famille. Et on se retrouve avec une vraie merveille : FLOFLOSKY. Ah celui là pour le coup, il ne risquait pas d’être déjà pris.

Compte créé.

Une fois que j’ai décidé de suivre tous les journaux possibles et imaginables, les ONG qui peuvent m’intéresser pour mon boulot, quelques hommes politiques et journalistes notoires, je m’aventure sur le terrain des « Twittos » de première. Plusieurs connaissances m’avaient déjà mise sur la piste de plusieurs d’entre eux. « Tu verras, c’est des pseudo artistes branchouilles et des journalistes web hipsters qui recyclent l’article qu’ils ont écrit sur les lolcats l’année dernière pour montrer qu’ils sont décalés». Très bien, ça me va : ils ont l’air attachants et doivent se sentir un peu seuls : Follow. Je suis soufflée, p’tain y en a qui tapent dans les 2 500, 4 000, 10 000 followers ! C’est qu’ils doivent être drôlement intéressants et rigolos. J’attends.

Ok : 18 tweets du Times of India sur la grève des vendeurs d’oignons à Delhi. Barack Obama qui raconte que la tuerie de Tucson lui a mis un sacré coup au moral, le Monde qui me parle de la Côte d’Ivoire. Et d’un coup la vidéo de larves dans l’urètre d’un mec. Gros relent de café au lait (je mets toujours vachement trop de sucre).

Un peu déstabilisée, je me remets au boulot (OUI J AI UN DOCUMENT A RENDRE DANS DEUX HEURES). Mais je n’arrive pas à fermer cette fenêtre. Et si je ratais une blague, LA blague qui me permettrait de m’intégrer au monde des Rois du Tweet ? ou alors l’info, l’INFO sur laquelle je pourrais rebondir et me faire plein d’amis- virtuels- que- je- ne- verrai- jamais- mais- bon- quand- même- on- rigolerait- bien- derrière- nos- écrans ??

Et c’est à ce moment ; au moment où je suis sur le point de me mettre à travailler pour de vrai, que je réalise que je n’ai AUCUN follower. Putain c’est pathétique. En même temps, la moitié de mes amis a encore son 3310 et ne connait pas Facebook, je ne vois pas pourquoi ils se cogneraient Twitter. Cinq coups de fil plus tard, j’ai sept followers : cinq nouveaux arrivants, un copain twitto, et « an old adviser loving good food and CAAATS » (angoisse soudaine).

Bon, ben c’est parti : SALUT LES TWITTOOOOOS!

Deux jours s’écoulent ;

Deux journées rythmées par des tweets d’actu, je suis au courant de tout tout tout : les avancées sur les scandales des médocs / la grève des vendeurs d’oignons indiens qui s’étend à l’Uttar Pradesh / la Bolivie qui met en place des actions locales de promotion des fours solaires / twitto1 a reçu un mail de son papa ce matin / twitto2 a fait une faute d’orthographe et il n’est pas content / twitto3 a mangé du poulet ce midi en compagnie de twitto4 / Michael Youn ne s’est peut être pas fait cambriolé son appart / twitto3 « RT » twitto1 qui dit à twitto2 que @fatbazooka vient d’éclipser son buzz et que ça doit faire un peu mal à l’égo de se faire doubler par un loser (twitto1 marque un point).

…tout ça entrecoupé de mes tentatives de tweets, qui tombent complètement à plat puisque je tweet un truc que je viens de dire à mes potes 5 minutes avant. Or, je vous rappelle que ce sont mes seuls followers (avec le vieux monsieur qui aime les chats, et qui ne parle manifestement pas français).

Vendredi : c’est parti pour une grosse nuit.

Avant de sortir pour une soirée prometteuse, je jette un dernier coup d’œil à mon compte. Twitto2 boit une bière à Oberkampf. Twitto2 a 3000 followers. Twitto2 est peut être le propriétaire du bar et cherche à renflouer sa caisse ? Twitto2 est peut être SEUL sur une chaise en attendant que l’un de ses 3 000 followers vienne lui tenir compagnie… Oh, j’ai l’empathie facile ; je me sens mal. Il faudrait peut être que j’aille l’aider ?

« Salut twitto2, je suis floflosky, ta twitta n°2468 »

Non.

Ou pire, peut-être que Twitto2 est bien seul, mais chez lui, face à son écran, et fait de son désir réel de boire un coup dans le 11e une réalité virtuelle. Peut être que Twitto2 est un sociopathe profond.

Twitto2 boit un twitt-picon.

J’ai envie de lui faire un twitt-calin et de lui dire que tout ira bien.

Non plus.

Je file. La soirée se passe, une fermeture de bar en entraînant une autre. L’alcool monte. Je remarque un homme qui porte une chemise en velours rouge et un catogan de la taille de mon avant-bras à quelques mètres ; à côté de lui un nain qui porte des bretelles savonne un scooter en mangeant une saucisse. Je crois qu’il est temps de rentrer.

Sur le chemin du retour, un pote me lâche pour suivre une petite brune qui n’a pas l’air bien futée ; 300 mètres plus loin c’est Co qui se fait kidnapper par son plan cul du moment. Me voilà seule au monde. Déprime : non seulement je rentre seule, mais je n’ai plus de cigarettes pour me remonter le moral.

Une petite voix me murmure “twitter” à l’oreille…malheureusement cinq de mes sept followers m’ont déjà abandonnée.

Twitto2 vient de s’acheter un kebab.

Ce mec me fout vraiment le bourdon.

Et là c’est le drame : ça y est, c’est officiel, je viens d’enterrer mon ego. Mon pote twitt-fan : enfin pote, pote, pote, c’est un bien grand mot « POTE ». Ce mec à qui j’ai demandé ce qu’il faisait il y a 20 minutes alors que j’étais en train d’errer à la recherche d’une fin de soirée dans mon quartier (et le mec au catogan me suivait, j’en suis sûre, je n’étais PAS en sécurité) – et qui ne m’a évidemment pas répondu – vient de balancer à ses 2 000 followers qu’il mange une crêpe au jambon. Retour dans le monde réel.

Rude.

J’allume un mégot trouvé dans mon cendrier. Je m’emporte probablement, mais il semble bien que ma valeur réelle soit inférieure à l’intérêt virtuel d’une crêpe au jambon. Je VAUX MOINS QU’UNE CREPE AU JAMBON aux yeux de ce type avec qui je parlais encore la semaine dernière. C’est pas moi, c’est Twitter qui l’a dit. Fini le temps où je pouvais aller me coucher en me disant qu’une personne qui ne répond pas à un message est : endormie / dans un endroit qui ne capte pas / hors-forfait. Non, c’est simple. Une personne qui ne répond pas s’en bat juste les flancs.

Oh mon Dieu.

Et la grève des vendeurs d’oignons continue.

Et j’ai 25 tweets en attente…

et qu’est ce que ça peut être con cette histoire de bonnes résolutions…

J’me barre de Twitter, salut les losers.

mercredi 5 janvier 2011

La vie en plus ou moins


Après huit mois à entuber EDF, Coline s’est réveillée jeudi dernier dans le noir, et les pieds dans l’eau. Le bonheur de vivre dans un studio avec matelas au sol et frigo qui chauffe. C ’est finalement dans ces moments là qu’on réalise le gros avantage d’être vraiment en période de dèche : parce qu’avoir un frigo vide permet de ne pas foutre en l’air des stocks de bouffe une fois qu’on vous coupe le courant. Et BIM.

C’est donc en partie pour fêter cette collocation temporaire (et aussi parce qu’hier c’était samedi) qu’on est allée se la coller aux 10 ans de Mains d’œuvres.

Et vous savez bien comment ça se passe…

…comme d’habitude, ça commence par une bouteille à la maison, puis direction Saint Ouen où on retrouve les copains, et les copains des copains ; et puis on se dit qu’on va partir à 3 heures en taxi (parce que demain, on ne sait plus trop ce dont il s’agit, mais on SAIT qu’on a des trucs à faire) ; et puis on danse un tango absurde sur Pendulum; et puis je tombe sur ce mec que je ne connais pas mais qui propose de m’emmener à Etretat ; et puis c’est cet ancien camarade de classe de 5e qu’on recroise par hasard ; et c’est Coline qui retrouve son plan cul camarade amoureux du mois de juin ; et puis moi qui tombe dans les bras d’un « air saxophonist » (pour ma défense, ils ne vendaient quasiment que de l’alcool pur au bar. A moins que j’ai mal compris. Doute.) ; c’est finalement Lucie qui s’en va chez son mec…

…et puis il est 5h32, et ce sont les spots qui ne battent plus le rythme, le barman qui ferme sa caisse, les bottes qui font mal aux pieds; et la flemme de rentrer. C’est à ce moment, il me semble, que nous nous décidons vaguement à nous diriger vers le métro le plus proche. Mais c’est aussi à cet instant que le cousin d’un bouquiniste cher au cœur de ma toute nouvelle colocataire, vient contre carrer tous nos plans de jeunes filles raisonnables. L’un de ses deux acolytes habite à deux minutes.

Il est donc 7h46, on vient d’ouvrir la deuxième bouteille de rouge ; je suis hystérique, on chante Brassens à tue-tête, on a du tanin sur les lèvres, et on est tous heureux de danser sur la petite terrasse enneigée d’Antoine.

Il est 13h00.

Il est 15h16 ; 15h16, et ça fait deux heures et quart que je m’agrippe à mon oreiller. J’ai la bouche pâteuse, et la nette impression d’avoir oublié de retirer ma lentille gauche. J’entends du bruit dans la pièce d’à côté… je crois qu’elle a réussi à se hisser sur ses jambes. Nous sommes dimanche, dehors il neige ; et dans ma tête c’est le brouillard. 15h20 : je rejoins Coline autour de la table basse.

Cernes et grand sourire ; bols de café noir et tartines sèches.

- Eh merde, il est 15h30 passée… on avait rendez-vous j’crois

- Ah ? ah ouais, il y pas un mec qui devais t’emmener à Etretat aujourd’hui ?

- Ah ?

- Mais ouais, ptain tu sais bien, la chemise à carreaux. Mais fais gaffe, suis pas sûre qu’il était majeur pour le coup.

- Aaahh ! ah ouais ? t’es sûre ? remarque mouais, première année de fac il m’a dit..mais il s’est rattrapé en me disant qu’il avait du retard.

- Laisse tomber.

- J’laisse tomber.

- Merde, première année…dis moi il vendait que de l’alcool pur au bar ou c’est moi qui ai mal compris ?

- Mmh ?

- Nan rien.

- T’as pas un doliprane ?

- Il reste du café ?

-

- On se remate un épisode ?

- Ouaip.

-

- Non ! Coline ! je t’assure qu’on avait rendez vous ; j’en suis sûre, à 15h, l’anniversaire d’Helene. Invitation facebook.

- J’ai pas facebook.

- Vrai. Mais je devais te passer le message ; donc je te le passe. Les filles du lycée voulaient faire un café « à l’ancienne ». C’est plutôt drôle d’ailleurs, parce que j’ai vraiment pas le souvenir d’avoir bu le moindre coup avec elles au lycée...bon de toutes façons je suppose qu’on y va pas…

- Exact.

- Bon, je leur envoie le message habituel ?

« on vient de se réveiller chez des gens qu’on connait plus ou moins. Il est 16h. bref c’est un peu confus tout ça, mais je pense qu’on ne viendra pas. Joyeux anniversaire à Helène de notre part !! »

(vous noterez l’importance de la typographie, et le rôle joyeux des DEUX points d’exclamation. J’ai hésité à pousser le truc jusqu’à l’invitation à boire un verre un des ces soirs ; mais j’ai craint de ne pas être suffisamment crédible. De l’art du sms.)

- Ouaip. Parfait ! nan t’imagine l’angoisse?

Oui, j’imagine.

Non, veux pas y aller.

La dernière fois qu’on les a croisées, c’était à la soirée quadra avant l’âge déguisée en pendaison de crémaillère. Des discours sur les CDI qui viennent d’être signés dans des compagnies d’assurance. Le copain avec qui elles viennent d’emménager après 3 ans d’une romance tranquille. La meilleure amie qui a accouché le mois dernier ; et puis le mariage de Victor qui part s’installer en Angleterre avec sa copine. Pardon, sa femme. Et la proche banlieue qui est quand même vachement plus pratique pour les nouveaux jeunes actifs. « Et vous les filles, racontez nous un peu vos histoires ! »

Qu’est ce qu’on peut bien leur raconter ? une coupure d’électricité ? nos soirées trop arrosées ? nos histoires avortées ? les 400 euros toujours pas versés et les grands sourires à notre banquier ? Notre vie en plus ou moins… mais avec plein de plus, tout de même :

Plus ou moins un mec : bon, clairement, le GROS point positif, c’est que Co a fini par supprimer le numéro de téléphone du type qui habite en « coloc » avec son ex-femme et sa fille de 2 ans. Elle va surement relancer le filon Arthur (qu’elle a croisé hier). Et moi, bon c’est pas très clair. Il y a bien Vincent depuis quelques temps, et puis il y a Mark qui rentre du Vietnam mardi (merde, MERDE). Mais bon, je le sens hyper bien là, on s’est posée. Ouuiii. Vraiment.

Plus ou moins un boulot : mais attention ! Si on est stagiaire c’est avant tout par choix. Parce que nous on veut juste être bien sûre ; vous comprenez ? Naaaan et puis, sérieusement, un CDI : c’est so-2004. Et bon, j’veux dire 400 euros par mois, en gérant bien, c’est tout à fait convenable. Et surtout, on peut très bien vivre sans électricité, finalement.

Plus ou moins une idée de ce qu’on va faire dans les 6 mois qui viennent : si Co rend son mémoire c’est banco pour le 2e master. En même temps, tutrice de français au Gabon c’est chouette aussi. Je crois que je devais rendre mon dossier pour l’université de Melbourne la semaine dernière. Pas grave ; Julie m’a dit qu’ils recherchaient des gens sur le terrain au Cambodge. A moins que mon ONG ne termine par m’envoyer en Inde avec un contrat local à 10 000 roupies. Des jolis projets tout ça.

Plus ou moins le sens des réalités : parce que putain, à 400 euros par mois, on rentre en métro comme tout le monde ; on arrête de s’acheter des chaussures qu’on mettra deux fois dans notre vie (parce qu’on refuse d’admettre qu’on ne chausse PAS une taille 39) ; et on paye ses factures avant de se payer des coups.

Surtout plus ou moins envie de boire un chocolat chaud alors qu’on peine à sortir d’une gueule de bois pénible et méritée..avec un gros moins pour la perspective de se retrouver à parler de chose qu’on ne connait pas vraiment et qui ne nous font pas encore rêver ; pas l’envie de discuter avec des gens devenus adultes tellement vite qu’ils nous feraient presque regretter de n’avoir toujours pas commencer à grandir.

Parce que s’il y a bien une chose qu’on ne regrette pas, c’est celle là.

- On va toujours boire un coup chez Jerem ce soir ?

- Yep, un café, une douche, et on décolle.