Rechercher dans ce blog

jeudi 7 avril 2011

Les couples d'amis


(Un clin d’œil et un gros big up à mon co-auteur pastisophile)


J’allais commencer ce post par une super introduction. Un formidable paragraphe pour resituer la conversation qui m’a menée tout droit vers la rédaction de ce papier.

Parce qu’il y a une dizaine de jours, j’étais avec un copain, on voulait aller chez Janou : histoire de boire un pastis, de manger des tomates et du pistou, ce genre de trucs sympa. J’aurais franchement pu en faire des tartines sur l’échec de notre petit projet, sur la guerre qui régnait à l’intérieur, la cohue autour du comptoir, le bordel dans la salle, Alain Souchon dans les enceintes. Ensuite, vous auriez eu droit à une description un peu chiante de la place du marché Sainte Catherine ou nous avons finalement atterri, ça aurait dérivé sur le café de la Magie et des vannes faciles sur le catogan de Dominique Duvivier (le roi du close up, bande d’incultes). Derrière nous il y avait un mec avec un K-way rouge qui racontait qu’il se prépare à la fin du monde depuis 2002. En bref, j’avais de quoi vous balancer du lourd.

Mais on s’en carre.

Parce qu’au final, on a passé le diner à parler d’un phénomène de plus en plus répandu ; un truc qui a tendance à pourrir (non, le mot n’est pas trop fort) notre quotidien et finit même par ternir nos soirées-copains.

LES COUPLES D’AMIS.

Ils sont beaux.

Ils sourient.

Ils disent « on » tout le temps.

Ils plombent l’ambiance au restau.

Ils font des projets à deux. Ou quatre. Enfin un truc pair, dans tous les cas.

Ils échangent parfois leurs vêtements et ça nous met un peu mal à l’aise.

Ils aiment bien nous regarder avec un brin de condescendance (du coup, on se projette à la table des losers lors de leur mariage, prévu l’été prochain. Ou celui d’après, ça n’a pas tant d’importance, puisqu’ils vivront probablement heureux jusqu’à la fin des temps. Hinhinhin.)

Une analyse s’imposait. Un texte sérieux, et strictement organisé autour de sous-parties clairement définies.

Attention pas d’aigreur, tout cela a été empiriquement vérifié.


Remarque introductive : n’est pas couple d’amis qui veut

A l’instar des couilles ou des perruches, le couple d’amis fonctionne toujours par deux. C’est une créature bicéphale qui sort le moins possible sans celui ou celle qu’il convient d’appeler « sa moitié ». Une rapide analyse sémantique nous le prouve : Anne Laure ET David, Yves ET Line, Shirley ET Dino. Si on le met en contexte on obtient : « Notre couple d’ami, Truc ET Muche, nous disait justement l’autre jour… » (oui, le couple d’amis parle à l’unisson, mais nous y reviendrons). Notons qu’une fois marié, le couple d’amis devient encore plus soudé (et donc indissociable) puisqu’on dit alors : LES Mouchaboeufs, LES Pitt (si on a de la chance) ou LES Ben Ali (si on en a moins). L’article défini pluriel nous dit deux choses :

1) Tout le monde sait de qui il s’agit puisqu’on parle d’eux deux depuis quinze ans (ce qui est génial, c’est que même si ça ne fait que trois mois ils arrivent à nous filer cette impression : les couples d’amis sont des magiciens du temps) :

2) Le pluriel permettra bientôt (un jour !) d’inclure les enfants quand toute la petite famille nous invitera à l’Ile d’Yeu pour les vacances. Notons que certains couples peuvent même fondre leurs deux prénoms pour plus de cohésion : Bennifer, Brangelina...

En fait, tout ça m’amène à balancer une grosse évidence qui va vous faire mal: si vous êtes seul(e), vous ne sauriez être un couple d’ami. Vous êtes alors, dans le meilleur des cas, une MCAP : une Moitié de Couple d’Amis Potentielle. Si vous échappez même à cette classification, désolée de vous dire que vous êtes considérés avec autant d’estime qu’une allumette sans grattoir : un truc inutile, mais qu’on termine toujours par garder dans la poche de son bermuda. (En effet, le couple d’amis termine tôt ou tard par porter des bermudas. A l’Ile d’Yeu. Avec des enfants autour. En bermuda, eux aussi).


Le couple d’amis est heureux, et fier de l’être

Le couple d’amis n’a aucune pudeur lorsqu’il s’agit d’exposer son bonheur sans ombre. Pourquoi le devrait-il puisqu’il est persuadé du bien fondé de son mode de vie ? D’ailleurs, est-il possible que l’on puisse souhaiter une existence différente de la sienne ? Ils ont raison d’être heureux, la preuve par trois :

- PDAs (les fameux Public Displays of Affection): qui ne s’est pas retrouvé dans un endroit clos –train, tente, voiture, ascenceur- avec un couple d’amis qui se faisait des petits bisousoubisous ?

- surnoms « trotromignons » ;

- certitude d’un amour qui durera pour l’éternité, et, par voie de conséquence, un emploi du temps réglé pour la période susmentionnée : et ouais, la soirée bière-baby que vous tentez de vous faire avec Gégé depuis six mois, ça n’arrivera plus. Désolée. Ou alors il faudra commander une bière sans Picon, se lancer dans l’épineux débat « est-ce beauf de boire du pastis[1] ? », et expliquer pourquoi faire une roulette c’est pas réglo. Autant rester chez soi et manger des chips.


Le couple d’amis est un animal grégaire

Le couple d’amis n’aime rien de plus que s’entourer d’autres couples d’amis. Le cheptel est ainsi multiplié par deux en un temps record.

Comment les couples d’amis se rencontrent-ils ? Comme pour toute histoire d’amour, il y a deux explications possibles : la version optimiste (un coup de foudre bien entendu) et la version réaliste (une combinaison de déterminismes socio-culturels).

Ce qui compte ici, c’est le parallélisme : on se file des grandes tapes dans le dos entre mecs ; on glousse entre filles. Peu importe qui connaissait qui avant le jour béni quand démarra la glorieuse Histoire de votre amitié à quatre, cette période est aussi peu pertinente que la veille de l’Hégire. Peu importe également que les chances de revoir cette joyeuse assemblée réunie en cas de rupture d’une des parties soient aussi élevées que celle d’un panda neurasthénique au départ du Prix de l’Arc de Triomphe.


Le couple d’amis a toujours un alibi, et en général, c’est vous.

Conscient de l’indécence qu’il pourrait y avoir à exposer son bonheur de manière trop exclusive, le couple d’amis cherche malgré tout à fréquenter quelques célibataires. Cela flatte sa conscience ET lui permet d’établir un contraste avantageux entre l’équilibre qu’il a trouvé et le chaos de votre vie affective. Vous êtes inférieur à lui, mais ce n’est pas votre faute : vous n’avez pas eu sa chance.

Vous voilà donc dans le rôle de Swann invité chez Mme de Guermantes dans la tourmente de l’affaire Dreyfus : vous êtes son (leur si vous avez la chance de fréquenter plusieurs couples d’amis en même temps) bon Juif. Sauf que vous, on peut vous changer. (NDLR : Nous sommes conscients des risques probablement élevés d’interprétation antisémite autour de cette boutade, mais quelle belle transition)


Le couple d’amis se sent investi d’une mission

Le couple d’ami se pose en missionnaire, et pas seulement au lit le samedi soir : vous devez être éduqué. A la manière de Victor l’enfant sauvage qui obtient un bol de lait quand il reconnaît la clé posée sur la table, peut-être aurez vous droit à un deuxième verre de Chardonnay (pas Picon que je vous dis) si vous admettez que tout de même, la vie de couple vous manque ou vous fait envie.

Mais en réalité, le risque réel vient quand commence la fameuse leçon de morale à l’usage des célibataires et autres déviants : « Tu bois trop. Tu sors trop. Tu ne dors pas assez. Tu ne crois pas à l’amour/au romantisme/à la Saint Valentin. Tu devrais faire des steps et arrêter de manger des parts de pizza froides la nuit si tu veux rencontrer quelqu’un (votre seul objectif dans la vie, je vous le rappelle). Tu ne devrais cependant pas porter cette tenue aguicheuse pour atteindre ton but. Tu te protèges au moins ? »


Les « pièges couples d’amis » : comment les repérer ? Comment y échapper ?

Aussi vrai qu’on n’échappe pas à son destin, et rarement à un contrôle fiscal, on n’échappe pas aux couples d’amis.

Le couple d’amis cherche, par tous les moyens et en dépit du bons sens, à vous « caser ». Vous ranger, en d’autres termes. Vous faire sortir de votre vie de débauché(e) proche d’un épisode d’Ab Fab. Ne serait-ce que parce que ça risquerait de donner de mauvaises idées à madame. Donc ce dont vous avez envie (qu’en savez vous d’ailleurs ?) : on s’en fout. Qui ? (un ami + une amie= un couple d’amis, n’oubliez pas l’équation).

Aucune importance, ils cherchent. Souvent ils trouvent. Et là c’est le moment où vous êtes embarqués dans un double date où la seule solution consiste à vous démonter le plus vite possible au gin-to pour faire passer la gêne et anesthésier l’instinct qui vous pousse à courir le plus vite possible afin d’échapper à cette situation embarrassante.


Le couple d’amis, une psychologie fragile

Sous le vernis impeccable de leur vie sans encombre, le couple d’amis a des problèmes (et au fait, tant qu’on y est, on a appris de source sûre que Scarlett Johansson va régulièrement aux toilettes). Et le plus souvent il vous en fait part, espérant trouver sur votre épaule fourbue un peu de réconfort. Trois cas de figure s’offrent à vous :

1) Vous êtes ami avec un seul membre du duo : ça ressemble à une conversation normale avec un ami normal, à ceci près qu’il vous fait comprendre, explicitement ou non, que vous ne pouvez pas réellement percevoir toute la complexité de la situation puisque vous ne goûtez pas au bonheur mis en péril par la crise actuelle.

2) Les deux membres du duo se confient à vous séparément : vous pouvez au mieux rire des petites différences entre les deux versions (qui a oublié d’éteindre la cafetière ?), au pire constater qu’un fossé se creuse au milieu d’un édifice qui vous semblait indestructible (et camoufler ce petit sourire qui ne serait pas du meilleur effet).

3) Le couple d’amis commence à s’effondrer devant vous : Ecoutez Gandalf, et « courez pauvres fous ! ». Ecoutez-moi et tentez une diversion en parlant de la poutre de Bamako, un sujet qui met tout le monde d’accord en général.


Dernière remarque :

Attention, une fois en couple, rien ne s’arrange au contraire : il y a des couples sans couple d’amis, mais comme les poulpes devins ou les actrices porno diplômées, c’est pas la majorité de l’espèce.


Bisous, donc et bon courage.


[1] La réponse est « non », cela va de soi. Et gare au prochain qui fera la réflexion.